GUADALQUIVIR / SEVILLE (27 juillet - 1 août 2003)
Nous sommes partis de Chipiona pour rejoindre Séville, distante de 50 miles. La remontée se fait pendant la durée d'une marée montante pour bénéficier du courant de marée qui est plus fort que le courant de la rivière. En effet, la marée se fait sentir jusqu'au delà de Séville. C'est la route qu'empruntaient les galions qui revenaient d'Amérique pour rejoindre Séville. Pour raccourcir la durée de ce parcours, nous avons ancré à 3 miles en amont de l'embouchure sur la rivière, dans un paysage très sauvage au bord du Parc national de la Donana.
La rivière est empruntée par des cargos, ce qui donne une impression un peu surréaliste et inquiétante, lorsque nous les croisons ou lorsqu'ils nous doublent sur la rivière. A l'arrivée de Séville, il y a une écluse que l'on emprunte en même temps que ces cargos, ce qui je dois le dire, est assez impressionnant, mais heureusement, tout s'est bien passé. Ellen n'avait pas trop de ses 4 mains pour mettre des pare battages de tous les cotés à la fois. Heureusement également que Monsieur Amel a prévu un propulseur d'étrave qui permet de tourner dans un mouchoir de poche.
La chaleur qui vous écrase, qui vous transforme le cerveau en pois chiche, tous vos muscles qui s'avachissent, et on ne pense qu'à une chose: aller se réfugier au fond du bateau, où par bonheur nous avons la climatisation. Tel est le sentiment qui domine, lorsqu'on commet l'erreur de visiter Séville à la fin du mois de juillet par une année caniculaire. Heureusement, nous sommes amarrés au ponton du Club Nautico de Séville, qui est très confortable, puisqu'il met à notre disposition tous ses équipements: bar, clubhouse et surtout deux magnifiques piscines entourées d'un beau gazon manucuré.
Nous avons décidé d'entreprendre la visite de la ville uniquement le matin. Séville croule sous le poids de son passé, dont elle est fière, mais qui est comme un boulet accroché à ses pieds et qui l'empêche de regarder vers l'avenir. Où que l'on porte son regard, ce ne sont que des édifices chargées d'histoire, qui ont été le témoin de tous ces évènements qui ont forgé notre civilisation: ruines romaines et phéniciennes, ateliers de construction de galères, fortifications de l'époque de l'occupation arabe, châteaux édifiés et successivement transformés où ont habité ou séjourné les dirigeants de l'Espagne, et où le Roi Juan Carlos séjourne lorsqu'il vient à Séville. Il s'agit du Real Alcazar. C'est un magnifique ensemble construit par des chrétiens, dont le style est arabe. Le sentiment qui domine dans le bâtiment, est la beauté, l'harmonie, l'équilibre et la sensualité. Le jeu subtil de la lumière et de l'ombre crée une température agréable malgré la fournaise environnante.
La réalisation qui domine Séville, et qui est le plus caractéristique de son passé, est de loin la Cathédrale. Elle a été construite sur les ruines d'une mosquée. Les premiers travaux ont été entrepris en 1400. La mosquée possédait un immense minaret qui a été agrandi et qui est devenu une tour imposante (la Giralda). Elle mélange le style arabe et gothique de façon harmonieuse.
La Cathédrale est immense, la deuxième par sa taille du monde chrétien. Partout où l'on regarde, ce ne sont que sculptures, dorures, tableaux, retables, autels ..., comme si l'on avait voulu par la profusion témoigner plus de ferveur et de foi. Ce qui nous a le plus impressionné, est le retable sculpté qui se compose de plus de 100 scènes bibliques. Chacune est un petit bijou en lui-meme. Il a fallu 80 ans pour terminer ce retable. La Cathédrale abrite le tombeau de Christophe Colomb, héro national indéboulonnable. Il est porté par 4 rois catholiques.
Après la découverte du continent américain en 1492, Séville est devenue très rapidement le seul port d'embarquement à destination de l'Amérique. Elle a gardé ce monopole jusqu'au 17e siècle. Cadix a pris le relais, car les galions ne pouvaient plus remonter le Guadalquivir, qui s'ensablait. Toutes les richesses qui ont été ramenées d'Amérique, ont transitées par Séville. Les bateaux accostaient à coté d'une tour (Torro del Oro), par où l'or transitait avant d'être porté sous bonne garde quelques rues plus loin, à "l'Hôtel de la monnaie", où il était fondu et transformé dans la monnaie de l'époque.
Cette richesse a été, pour partie, responsable de la faiblesse économique du pays dans les siècles qui ont suivi. Les dirigeants n'ont pensé qu'à consommer en payant avec l'or qu'ils avaient acquis à bon compte, alors que le reste de l'Europe, et notamment l'Angleterre, la France, la Hollande s'industrialisaient et produisaient des biens qu'elles échangeaient contre cet or.
Mais Séville, c'est aussi les passions poussées à leur extrême. Passions religieuses lorsqu'au printemps pendant la "Semana Santa", ceux qui appartiennent à des confréries défilent dans l'habit des pénitents, càd avec une chasuble et un grand bonnet pointu qui couvre le visage. Les plus haut placés dans la hiérarchie ont l'honneur de pouvoir porter le Christ ou la Vierge qui est le symbole de leur confrérie. Il y a à Séville plus de 50 confréries. Trois semaines plus tard, c'est la "Feria", où l'on boit, l'on mange, l'on danse et l'on s'amuse jusqu'au petit matin avec passion.
Toute l'année, les sévillans aiment passer leur soirée dans les petits bistrots pour boire le bon vin espagnole, et manger les tapas qui sont délicieuses, notamment le jambon "ibérico", fait avec des cochons qui ont été nourris avec des glands, et mis à sécher dans les règles de l'art. Les meilleurs jambons peuvent valoir jusqu'à 150 € le kilo.